La coiffe alsacienne et ses secrets (1) Présentation

Que serait le grand nœud noir si cher aux alsaciennes sans son petit bonnet support ? Presque caché sous les ailes de soie du ruban, il mérite pourtant que l’on s’y intéresse, lui qui assure à la coiffe son allure générale et son maintien. Discret mais souvent richement brodé, c’est sur lui que viennent se rattacher les boucles et les plis qui donnent à la schlupfkappe son aspect presque iconique.

Un petit bonnet très discret

Un petit bonnet qui se devine entre les ailes du grand nœud.

Englobant la partie arrière de la tête, ce petit bonnet sert de point d’ancrage au ruban qui s’enroule et se déploie autour. C’est à peine si l’on devine sa présence tant il est recouvert par les plis du grand nœud. Ce qui amène certain(e)s à placer le nœud noir directement sur les cheveux, au risque d’escamoter ce qui constitue la base même de la coiffe.

Une forme simple

Il est composé de deux parties égales, réunies à l’arrière par une couture médiane. Confectionné au 18è siècle dans des tissus de satin ou de brocart, il a par la suite évolué vers des étoffes plus sobres et plus sombres, à mesure de l’extension du ruban sommital. (Voir précédent article sur ce sujet ici.)

Son maintien est assuré par un lien coulissant, placé dans la partie basse et qui vient se nouer sur la nuque.

Conception générale

Chaque face est découpée en deux parties : l’une, de forme presque rectangulaire, positionnée sur l’arrière, constitue le fond de coiffe. Il est souvent accompagné de riches broderies.

Dans la partie inférieure de ce fond de coiffe est placée une coulisse avec un lien dépassant à l’extérieur.

 

L’autre partie, de forme triangulaire placée sur l’avant, est appelée bandeau. Il est presque entièrement recouvert par un appliqué de ruban damassé ou en chenillette de velours.

Aspect extérieur

Le velours ou le satin, de couleur noire, sont les tissus les plus fréquemment employés pour la confection extérieure du bonnet.

Gauche et droite : Musée de Truchtersheim – Maison du Kochersberg.

 

La partie arrière s’orne de motifs floraux, rameau stylisé ou fleurs isolées disposées en trio. On trouve également des dessins d’étoiles plus ou moins élaborés. Ces broderies sont exécutées en fils de couleur ou, pour les plus riches, en fils d’or, agrémentées de perles, paillettes et verroteries.

D’autres bonnets se veulent plus sobres, sans ornementation particulière, avec un fond de coiffe en velours frappé, presque toujours de couleur noire. Ils laissent entrevoir un usage plus quotidien, dans l’intimité de la maison ou pour les dimanches « ordinaires », avec ou sans ajout du nœud sommital.

Musée Historique Mulhouse.
Collection particulière.

L’héritage du passé

Certains modèles font apparaître le lien entre les riches coiffes portées aux 18è siècle et celles apparues au milieu du 19è, suite à l’expansion du grand nœud.

Collection particulière.
Proches en apparence des coiffes à fond noir, avec notamment le même ruban noir damassé cousu sur l’avant, ces bonnets s’en distinguent par la richesse du tissu employé pour la partie arrière.

En soie brochée écrue, à ramages et motifs floraux en reliefs plus foncés, ce tissu est souvent rebrodé de cannetille, paillettes ou verroteries.

Bonnet, 18e siècle – Collections du Musée du Pays de Hanau © Photo A. Mertz – PNRVN
Paillettes diverses et cannetille viennent rehausser les motifs du tissu. Musée de Truchtersheim – Maison du Kochersberg

D’une coiffe à l’autre

La filiation avec les coiffes plus anciennes apparaît encore plus nettement lorsque l’on se livre au jeu des comparaisons.

Musée Historique Mulhouse.
Musée de Truchtersheim – Maison du Kochersberg.
Collection particulière.

 

Le tissu employé est très proche (quand il n’est pas identique). Ce qui témoigne du « glissement » qui s’est insensiblement opéré d’une époque à l’autre, sans rupture réelle mais en fonction de l’évolution du grand nœud.

La modification la plus évidente est celle du remplacement des belles dentelles dorées au profit d’un appliqué de ruban damassé noir ou de chenillette de velours pour les bonnets plus récents

Le format diffère également, l’ancien modèle étant nettement plus emboîtant.

En devenant plus petits, les nouveaux bonnets se sont dotés d’une couture  intermédiaire entre la partie avant et le fond, pour mieux s’adapter à la forme de la tête.

Musée de Saverne – Collection Doerflinger.

Elle est ici bien visible sur la coiffe de droite (voir également photo précédente).

 

Léon Gerlier-1826-98 – alsaciens en costume.

 

Le changement de forme du bonnet et l’augmentation du nœud frontal auront une incidence directe sur le décor brodé. Au fil du temps, celui-ci va  régresser et ne plus venir orner que la partie longeant la couture arrière.

Une gravure de la fin du 19è siècle illustre ce changement : ici, le nœud frontal n’a pas encore pris son plein développement mais il vient recouvrir les bords du bonnet (d’où disparition des dentelles d’or). La partie arrière, encore bien visible, est largement brodée.

La partie interne

Vue intérieure du bonnet. La doublure de papier se devine par transparence.
En manipulant les petits bonnets de coiffe, on s’aperçoit qu’ils sont souvent doublés avec un papier glissé entre le tissu extérieur et la doublure interne. Cet ajout donne de la rigidité au fond de coiffe, qui peut ainsi plus facilement « pointer son nez » à l’arrière de la tête, entre les ailes du ruban.

La doublure intérieure du bonnet est généralement en lin de couleur écrue unie ou finement rayée. Mais on trouve également des doublures de coton de couleur sombre, à petits motifs imprimés. Choix assez pertinent, l’intérieur de la coiffe ayant tendance à se salir au contact de cheveux pas toujours très propres.

Doublure coton à motifs imprimés.
Doublure à motifs imprimés en réserve.

 

* la sincérité oblige à admettre que, sur des cheveux trop propres, la coiffe ne tient pas en place et glisse en arrière. Au risque de choquer, il est bon de savoir que si l’on veut porter une coiffe, il vaut mieux ne pas se laver les cheveux les deux jours précédents. Petit sacrifice nécessaire pour un meilleur résultat !

 

Partie 2: la fabrication du bonnet.

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Remerciements

  • à la Maison du Kochersberg – Musée de Truchtersheim et à ses bénévoles Mr et Mme Burger.
  • au Musée de Saverne – Palais des Rohan.
  • au Musée de Bouxwiller – Pays de Hanau
  • au Musée Historique de Mulhouse

Références

  • Le livre d’heures des coiffes d’Alsace – Marguerite Doerflinger – Editions Oberlin – Strasbourg. 1981
  • Costumes et coutumes d’Alsace – A. Laugel – C. Spindler – Editions Alsatia – 1975

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