Sous le ruban, le bonnet

Pour beaucoup, le costume alsacien se résume (presque) au grand nœud noir. La silhouette, immédiatement reconnaissable de la « schlupfkappe », est devenu un emblème régional, parfois mis à toutes les sauces. Notoriété qui n’empêche pas une large méconnaissance de ce qu’est réellement cette coiffe.

Une coiffe à l’histoire méconnue

Car coiffe il y a bien. Ou plutôt petit bonnet, caché par le large ruban de soie noué par-dessus. Le volume de ce nœud de ruban est tel qu’au fil du temps, il a fait disparaître à la vue ce petit bonnet qui lui sert de support. Si bien que beaucoup s’imaginent que le ruban est directement posé sur la tête ! 

L’essor du nœud de ruban

Au milieu du 19è siècle, la coiffe des alsaciennes, avec son petit nœud frontal, connaît une importante évolution. La petite rosette crânement nouée sur le haut de la tête se transforme peu à peu en un large nœud dressé à l’horizontale de chaque coté de la tête.

En prenant davantage d’extension, les ailes du nœud finissent par retomber sur le bonnet, cachant une partie des broderies. Celles-ci régressent peu à peu et leurs motifs se simplifient. Le bonnet diminue en taille et l’ensemble des matériaux qui composent la coiffe, bonnet et ruban, s’assombrissent.

Un développement localisé

Cet agrandissement du volume du ruban ne concerne que la basse-Alsace, plus particulièrement les riches régions agricoles situées au nord-ouest de Strasbourg, Kochersberg et pays de Hanau. Ailleurs en Alsace, le costume rural ne connaîtra pas la même évolution. Dans les parties touchées par l’industrialisation, il sera rapidement remplacé par des tenues d’inspiration citadine.

Des matériaux plus sobres

A mesure que le ruban grandit, l’ornementation du bonnet de coiffe perd en richesse. Les dentelles d’or bordant la partie avant disparaissent. Elles sont remplacées par des appliqués de rubans noirs, des broderies ou des motifs de chenillette en velours, également de couleur noire. Les broderies se limitent à la partie arrière du bonnet, seul endroit qui n’est pas caché par le ruban.

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Les progrès textiles, facteur évolutif important

Au cours du 19ème siècle, les innovations textiles mettent sur le marché des produits nouveaux dont profitent les modes paysannes. Le costume traditionnel s’enrichit de ces apports. Dans les milieux campagnards, le costume devient un moyen d’afficher son appartenance. Il s’oppose aux tenues des classes ouvrières qui ont opté pour la mode citadine où les teintes sombres dominent. La fierté paysanne s’affiche par l’utilisation de tissus colorés, parfois luxueux, de riches rubans et broderies. Les particularismes locaux se développent et deviennent des éléments distinctifs pour les diverses communautés villageoises.

La force des codes sociaux

Les possibilités offertes par les nouveautés textiles renforcent les modes rurales mais n’en modifient pas les codes. Pour les sociétés paysannes, par nature conservatrice, ces apports ne sont qu’un moyen affermir les standards vestimentaires existants. Cela se traduit pour le bonnet de coiffe par des décors indiquant l’appartenance religieuse mais aussi les étapes de la vie, mariage, deuil, avancée dans l’âge. En fonction de ces nombreux critères, ils seront plus ou moins stylisés, ou colorés, brodés d’or ou simplement de motifs noirs.

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Un bonnet oublié

A son stade terminal, les pans arrière du ruban sont venus recouvrir totalement le bonnet de coiffe, le dissimulant définitivement à la vue. Disparition dictée par un souci de simplification mais qui a pour effet de faire oublier le rôle essentiel que ce bonnet tient dans l’agencement de la coiffe alsacienne ; ainsi que l’élégance qu’il lui donne en se découvrant entre les ailes du grand nœud.

Références

  • le grand livre des coiffes d’Alsace – Marguerite Doerflinger – Editions Oberlin – Strasbourg 1981
  • Costumes et coutumes d’Alsace – A. Laugel – C. Spindler – Editions Alsatia – 1975

Crédit photo

  • Camille PABST (1828-1898), Noce en Basse Alsace, Salon de 1875, huile sur toile, 95 x 130 cm, don de l’artiste (1877). Musée Unterlinden, Colmar. Inv. 88.RP.394 Crédit : Musée Unterlinden/Christian Kempf
  • Collection Marguerite Doerflinger – Musée de Saverne – Palais des Rohan

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