La coiffe alsacienne – suite de l’évolution

Dans la seconde partie du 19è siècle, la coiffe alsacienne s’essaye encore à divers formats. Entre élargissement des formats et allongement nuancé des extrémités, elle explore une gamme de styles contrastés dont il est intéressant de noter les divergences.

Vers l’élargissement du format

Après 1860, la forme générale prend du volume. Les boucles du ruban s’élargissent, se gonflent, faisant basculer ses extrémités vers l’arrière de la tête. Le bonnet se retrouve ainsi partiellement recouvert, faisant régresser une partie de son décor brodé.

(voir article sur les broderies du bonnet ici)

Toujours frangées, ces extrémités gardent une allure courte, ne descendant pas en dessous des oreilles.

 

Benjamin Vautier l’ancien – La nourrice alsacienne – Coll. particulière.
Planche colorisée – 1867 – BNU Strasbourg NIM23819

 

 

 

Marie Durrieu – 1873 – (photo A. C. Baudelaire, Strasbourg) – Coll. V.R.

 

 

Jeune couple de Hurtigheim – © Elsässischi Fàmiliebilder.

 

© Elsässischi Fàmiliebilder.

D’autres clichés montrent une façon de nouer le ruban moins souple avec des boucles s’étirant davantage en longueur. Les extrémités sont également plus longues et viennent effleurer les épaules.

Coll. V.R.
BNU Strasbourg NIM23813

Intéressante confrontation entre deux photos, saisis à la même période: si la coiffe et les accessoires sont identiques (avec les incontournables châle et tablier), le reste de la tenue diffère résolument. A gauche, la robe est de type citadin, selon la mode du Second Empire. A droite, le costume est de style traditionnel, avec casaquin et jupe à galons.

(Les photos ne sont pas datées mais la mention des studios Gerschel de Strasbourg sur le cliché de gauche fourni un indice intéressant. En effet, le studio Gerschel cessa ses activités après 1870, les frères Gerschel partant s’installer à Paris.)

 

Variations sur la longueur

Vers 1870, les extrémités du ruban s’allongent résolument et descendent dans le dos.

Modification qui n’affecte pas beaucoup la partie haute du nœud qui garde, à peu de détails près, une même envergure.

 

Couple photographié à Saverne  Coll. particulière

 

Ruban visiblement en couleur, avec des pans longs retombant dans le dos – On remarquera le petit buste de Marianne, discrète allusion à la France, ce qui pourrait situer la photo après l’annexion – Photo E. Schweitzer – Strasbourg – Coll. V.R.
Jeune fille au ruban écossais dans une robe de coupe citadine, modèle Second Empire – Coll. Costumes d’Alsace.

 

Ruban assez semblable pour le beau portrait de « Eugénie Henner en alsacienne tenant un panier de pommes » – Musée Jean Jacques Henner – Paris – © Gérard Blot.

 

Les boucles apparaissent parfois moins redressées, retombant plus ou moins mollement sur les cotés du bonnet.

Plusieurs représentations, laissées par les peintres et dessinateurs alsaciens, laissent entrevoir les contours d’une mode localisée, affectant davantage la campagne que la ville.

On y retrouve une configuration proche de celle du tableau antérieur de quelques années de « La foire aux servantes » (voir en article précédent), avec les mêmes boucles plates, retombant sur les cotés. A la différence que le ruban est ici plus étroit et que ses extrémités plus longues retombent sur la nuque.

Camille Alfred Pabst – La-lettre – Coll. particulière.

 

Dessin de C. Spindler, avec l’intitulé « ancien ruban de Miestesheim ».
Ancien aspect du nœud alsacien (détail) selon P. Kaufmann – BNU Strasbourg NIM22795

Hors catégories

La période autour des années 1870 apparaît comme un véritable florilège de styles tant les manières de nouer le ruban y sont diverses.

 

D’autant que certaines d’entre elles échappent à toute tentative de catégorisation en mélangeant les formats et les configurations. Ce qui complique d’autant plus la lecture du modèle évolutif.

Surprenante photo (possiblement d’une mère et de sa fille) où la manière de nouer le ruban semble échapper à toute logique évolutive. © Elsässischi Fàmiliebilder.

 

Mère et fille (ou belle-fille) – Le ruban de la mère (à gauche) est noué selon une mode plus ancienne (années 1840-50) que celle de la femme à droite, plus jeune, dont le nœud est dans le style des années 1860-70  – BNU Strasbourg NIM12993

Les anciennes et les modernes

Dans ce tour d’horizon des différents styles de nœuds, il ne faut pas écarter l’habitude (déjà mentionnée dans le précédent article) pour les femmes de conserver la manière de nouer leur ruban selon la mode de leur jeunesse et de leur village.

 

Ce qui ne correspondait pas toujours à un choix personnel. Le poids des conventions sociales était alors très fort et limitait les innovations individuelles.

L’introduction des nouveautés se faisaient souvent par petites touches, les jeunes femmes se montrant plus réceptives à la « modernité » que leurs ainées, sur lesquelles reposaient la préservation de la morale et des traditions.

 

Difficile, dans ce contexte, de préciser les aires géographiques propres à chaque forme de ruban ou d’établir les critères sur lesquels s’établissaient toutes les variations de forme.

La codification du costume, telle qu’elle nous est actuellement connue, ne semble pas aussi rigide qu’elle le sera par la suite. D’autant que l’essor textile qui introduit de nouvelles modes, de nouveaux produits toujours plus attractifs, vient accélérer leur variabilité.

Dans cette seconde partie du 19è siècle, la coiffe alsacienne, comme beaucoup d’autres coiffes régionales, reste encore en devenir.

Son évolution va connaître un tournant décisif, après 1870 et le passage de la région sous domination allemande.

 

à suivre   .  .  .

 

 

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Un grand remerciement aux collectionneurs privés pour la mise à disposition de leurs documents.

 

 

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2 commentaires
  • Rita
    26 mai 2023

    merci pour cet article très intéressant

    • Hund Jacques
      22 novembre 2023

      Iconographie et légendes sobres et éclairantes.
      Bravo