La palatine, un zeste de mode allemande à Versailles

C’est la Princesse Palatine, née Elisabeth Charlotte von der Pfalz, qui introduisit à la Cour la mode de cette petite cravate. Elle y connut un grand succès, prenant le nom de celle qui l’avait fait connaître. Portée de manière habituelle dans les pays de culture germanique, elle faisait en Alsace partie intégrante de la tenue féminine.

Un effet de mode très courtisan

A l’hiver 1676, Madame la duchesse d’Orléans lance une nouveauté vestimentaire qui restera dans l’histoire de la mode sous le nom de « palatine », allusion à l’origine allemande de cette princesse. Dans une lettre adressée à sa tante, la duchesse de Hanovre, elle raconte :

« M’étant avisée, par ce temps froid, de mettre ma vieille zibeline afin d’avoir plus chaud au cou, chacun s’en est fait faire une sur ce patron, et c’est maintenant la très grande mode… »

Elle n’hésite pas à se moquer par ailleurs de cet engouement, soulignant que cinq années auparavant, elle a été raillée pour cette même habitude. Les raisons de ce revirement courtisan sont en fait dictées par la faveur que lui manifeste le roi. Ce qui lui fait dire : « Si les courtisans s’imaginent que vous êtes en faveur, vous pouvez faire tout ce que vous voudrez, vous êtes sûre d’être approuvée ; mais s’ils s’imaginent le contraire, ils vous tiendront pour ridicule quand même vous descendriez du ciel. » On ne saurait être plus lucide !

Une mode germanique

Ce qui à Versailles passe pour une nouveauté est communément portée dans les pays germaniques. A la fin du 17è siècle, un voyageur visitant L’Alsace relève cette habitude chez les alsaciennes qu’il rencontre :

« En hiver, elles ont de grosses cravates de fleuret noir qui font deux tours et cela pardessus une gorgerette de toile carrée qu’elles ne quittent jamais, quelque chaleur qu’il fasse. »

Elizabeth SCHMIDT née REICH – bourgeoise de Soultz – Alsace du sud – 1680
« La Belle Bâloise » – Musée Historique Bâle

Il ajoute : « D’autres portent une peau de martre à qui on laisse la tête, les pieds et la queue… » Visitant la Ville de Bâle, il relève que les femmes y ont une habitude similaire : « elles portent une peau de martre dont la tête et les pieds pendent par devant ».

On comprend d’où la Princesse Palatine tirait son inspiration avec l’utilisation de sa fameuse « zibeline » !

Un élément indissociable de la tenue

Gertrude Hoffer – Bourgeoise de Mulhouse 1750

Un siècle plus tard, la mode des cravates est toujours prisée par les bourgeoises de Mulhouse. La fourrure n’est plus de mise (changement de climat ?), remplacée par un tortillon de dentelle, accompagné d’un large tour de cou noué sur la nuque. L’ensemble tour de cou et palatine est alors très « tendance » dans les cours étrangères. Les princesses venues de ces contrées et qui vivent à Versailles, ont contribué à la popularisation de ces accessoires vestimentaires venues d’outre Rhin. Comme par exemple la reine Marie Leczinska ou sa bru, Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France et mère du futur Louis XIV. Cette mode restera malgré tout assez marginale, étant plutôt le fait des dames d’un certain âge. Les plus jeunes lui préféreront le seul tour de cou qui lui, sera l’un des grands succès de la mode sous Louis XV.

Marie-Josèphe de Saxe – Dauphine de France  1760
Portrait de madame Dange -1772
Louisa Ulrika, 1768- prinsesse de Prusse
dame noble
Comtesse de Durfort (1747) Jean Valade
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 Le « flor » alsacien

En Alsace comme dans les régions limitrophes d’outre-Rhin, palatine et tour de cou se confondent parfois en une seule cravate large, de soie noire. Déjà décrite au 17è siècle comme indissociable du costume féminin, elle demeure dans les siècles suivants associée à la tenue des paysannes.

En 1839, Victor Hugo, de passage à Fribourg en Allemagne, décrit une jeune fille portant « une large pièce de soie noire autour du cou… »

En Alsace, cet ornement particulier est appelé « flor », déformation du mot « fleuret » d’origine. Il se noue sur la nuque comme le tour de cou du 18è siècle. Il disparaît à la fin du 19è siècle, remplacé par des châles plus ou moins larges, noués eux aussi en arrière.

Oublié dans le mouvement de folklorisation du costume, la cravate à la palatine est actuellement reprise par certains groupes qui tentent d’en restituer l’image authentique.

De la Palatine à la Fontange

Coiffure à la Fontange

La princesse Palatine fut, indirectement, à l’origine d’une autre mode qui fit fureur pendant le Grand Siècle : la coiffure « à la Fontange ». Cette construction capillaire, qui vit s’élever vers le ciel des échafaudages invraisemblables de dentelles et rubans, fut créée par hasard par Melle de Fontange, demoiselle d’honneur de la Palatine. La princesse accompagnait régulièrement le roi à la chasse, emmenant ses dames d’honneur avec elle. Un jour, Mlle de Fontange se retrouva totalement décoiffée en s’accrochant les cheveux à des branches. Comme il ne pouvait être question de rester cheveux ouverts en public (attitude profondément indécente) et encore moins devant le roi, elle s’improvisa une coiffure rapide avec un ruban de sa jarretière.

Le roi fut amusé et séduit par cette création maladroite mais pleine de fraîcheur, lui demandant de ne plus se coiffer autrement Dès le lendemain, les dames de la Cour apparurent coiffées de manière identique, fidèles à l’axiome « si les courtisans s’imaginent que vous êtes en faveur, vous pouvez faire tout ce que vous voudrez ». La coiffure à la Fontange survécu pendant plus de vingt ans à celle qui l’avait inspirée. Devenue favorite royale, Mlle de Fontange, dont la Palatine disait « qu’elle était belle comme un ange et sotte comme un panier », connu une rapide défaveur. Il est vrai qu’elle n’avait pas l’esprit mordant de sa rivale, Mme de Montespan.

Mais ceci est une autre histoire…

Remerciements

Musée historique de Mulhouse / musée Historique Bâle / musée Unterlinden Colmar

Références

  • Victor Hugo – Œuvres complètes – « Voyages » – Collection Bouquins – Éditions Robert Laffont, Paris, octobre 1987
  • Mémoire de la princesse Palatine 1672-1722. Le temps retrouvé. Editions du Mercure de France
  • Monsieur de L‘Hermine – Mémoire de deux voyages et séjours en Alsace 1674-76  et 1681 Edition Gallica. BNF

Crédit photo

  • Portrait d’Elisabeth Schmidt, née Reich, à l’âge de 49 ans, Alsace, 1680, huile sur toile, 93 x 64 cm, don A. Richard-Renaud (1947). Musée Unterlinden, Colmar. Inv. 88.RP.552 – Crédit : Musée Unterlinden / Vincent Husser
  • Portrait de la Belle bâloise : https://www.hmb.ch/fr/musees/objets-de-la-collection/vue-simple/s/la-belle-baloise/
  • Gertrude Hoffer – 1750 – Bourgeoise de Mulhouse – Musée Historique de la ville de Mulhouse

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