
Un symbole vestimentaire
Même si l’histoire du pantalon remonte à la plus Haute Antiquité, il n’a fait fait son entrée que très tardivement dans le vestiaire masculin occidental.
D’abord constituées de deux pièces distinctes, les chausses se réunissent ensuite en un vêtement fermé muni d’une ouverture sur l’avant : la ″braye″.
Apparaît par la suite le ″haut de chausse″, vêtement plus ou moins long selon les époques, entourant les hanches et descendant sur les cuisses.
C’est de ce haut de chausses qu’est issue la culotte, élément typique du vestiaire masculin et symbole de la domination virile. D’où l’expression : “porter la culotte !″
* Lire: Sous les jupes des filles
Le pantalon,
un emblème révolutionnaire
En 1789, les Révolutionnaires les plus ultra voulurent se démarquer en portant le pantalon. Un vêtement qui n’était porté auparavant que par les classes sociales les plus défavorisées. D’où le titre très symbolique qu’ils s’attribuèrent de “Sans culottes”.
Une connotation plutôt négative qui valut au pantalon de n’être adopté, dans les premières décennies du 19è siècle, que par une élite citadine très minoritaire.
(Le pantalon faisait aussi partie de la tenue des matelots. Lesquels allaient généralement pieds nus, sans bas ni chaussures lorsqu’ils étaient en mer.)
Culotte villageoise et pantalon citadin
Communément portée en Alsace comme dans de nombreuses régions française, la culotte dite ″à la française″ resta en vogue dans les campagnes pendant une bonne partie du 19è siècle.
Un attachement dicté par le traditionalisme vestimentaire et le respect des conventions mais surtout par opposition à la classe ouvrière urbaine où le pantalon était devenu la norme.
Une attitude partagée par d’autres régions en Europe où le costume traditionnel s’accompagne aussi d’une culotte, complétée d’une veste courte ou d’une redingote, elle aussi héritée de la mode du 18è siècle.
La tenue du dimanche
En Alsace, culotte et redingote ont longtemps modelé la silhouette générale des alsaciens, loin de l’aspect que l’on connaît actuellement.
Une allure qui, au fil du temps, a acquis une importante dimension symbolique, devenant la tenue du dimanche, celle des jours festifs ou des occasions solennelles.
Un archétype alsacien
C’est aussi la tenue d’une certaine élite villageoise, celles des propriétaires terriens et notables influents, soucieux d’afficher leur position sociale à travers leur costume. Avec toute la symbolique ″Ancien Régime″qui s’y rattache.
Le personnage de l’Ami Fritz, brossé par Émile Erckmann et Alexandre Chatrian dans leur roman éponyme de 1864, dépeint avec justesse ce type de personnage, archétype du célibataire cossu, vivant de ses rentes. Lequel, à travers sa tenue à l’ancienne mode, incarne la bourgeoisie terrienne de l’époque.

Le glissement vers la modernité
Dans les dernières décennies du 19è siècle, avec l’influence grandissante des modes urbaines, le pantalon a fini par s’imposer dans la plupart des couches de la société .
Un changement intensifié par l’essor industriel et dont l’effet s’est fait particulièrement sentir dans la partie sud de l’Alsace.
Une part importante de la population, attirée par la recherche d’emplois, s’est alors rassemblée dans les manufactures et usines, proches des centres urbains. Les costumes campagnards, dont l’aspect détonaient dans ce nouvel environnement, furent peu à peu délaissées au profit des tenues citadines.
On estime ainsi que dès le milieu du 19è siècle, la majorité des costumes ruraux ont disparu des campagnes du sud de la région.
Un mouvement qui tranche avec ce qui se passe plus au nord, dans les villages du Bas-Rhin, où cette influence a été moins forte.
Grace au travail de la terre, beaucoup ont pu rester dans les villages, permettant le maintien et le développement des anciennes traditions vestimentaires.
Pantalon et culotte à la française y ont longtemps coexisté, faisant s’opposer deux visions de la mode masculine, entre défense des traditions pour les plus âgés et attrait de la modernité pour les plus jeunes. Éternelle querelle entre les anciens et les modernes !
Un timide retour en grâce
Depuis peu, certains groupes folkloriques se sont engagés dans une démarche vestimentaire intéressante en faisant renaître l’ancien costume masculin. Ce qui apporte une vision différente de la tenue et tranche avec l’uniformité en vigueur jusqu’ici.
Une approche esthétique qui ne manque pas d’allure et crée une variété bienvenue dans les cortèges.
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Documentation :
- Histoire de la mode en France – Emile de La Bédollière – Édition originale 1858 – réédité par la BNF
- Folklore et tradition en Alsace – Ouvrage collectif – Éditions SAEP Colmar-Ingersheim 1973
- Costumes et coutumes d’Alsace – A Laugel et Ch. Spindler – Éditions Alsatia 1975
- Le Costume Paysan de Uhrwiller – Jean-Marc Schlagdenhauffen
- Préface de Georges KLEIN – Uhrwiller 1992
- Histoire du Costume (en Occident de l’Antiquité à nos jours) – François BOUCHER Éditions Flammarion 1965-1983-1991
- Les Costumes Régionaux D’autrefois – Caroline Brancq – Françoise Tétart-Vittu -Éditions Archives et Culture – 2003
http://lerozier.free.fr/chausses.htm
https://etapes.name/2020/11/a-bas-la-culotte-vive-le-pantalon.html
https://www.geo.fr/histoire/qui-etaient-les-sans-culottes-209853
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