Le bleu Deck – (1) – l’Égypte

Au 19è siècle, Théodore Deck, céramiste alsacien de génie, réinvente une couleur mythique : le bleu égyptien. Premier pigment de synthèse de l’histoire, celui-ci fut découvert par hasard dans la Haute Antiquité et porté à la perfection par les anciens égyptiens, avant que leur secret de fabrication ne sombre dans l’oubli pendant des siècles. Retour sur ce bleu fascinant.

Une découverte en forme de légende

Comme beaucoup de grandes découvertes, celle du bleu égyptien s’est faite par hasard.

Imaginons la scène : un bateau phénicien, transportant du natron, fait route vers l’Égypte. Comme il est de coutume à cette époque, on navigue en vue des côtes.

C’est le soir et, justement, l’équipage vient de repérer l’embouchure d’une petite rivière qui se jette dans la mer, à proximité d’une petite plage de sable. Endroit idéal pour faire étape. Pendant que quelques uns s’activent à refaire les réserves d’eau, d’autres font de même pour le repas. Petit souci logistique : il manque des pierres pour caler la marmite.

Quelqu’un va avoir l’idée brillante d’aller chercher quelques blocs de natron au fond de la cale pour les remplacer. Au contact du feu, le natron (fondant sodique) va agir sur le sable (silicium) pour produire une étrange substance vitreuse, au grand étonnement des marins.

Marchand phénicien revu par Hergé.
Bloc de natron.

 

Cette histoire est peut-être trop belle pour être vraie. C’est Pline l’Ancien qui nous la raconte dans son Naturalis Historia. Il en situe les péripéties sur la rive du fleuve Belus en Asie Mineure.

Peut-être ne s’est-elle pas déroulée tout à fait ainsi. Mais il est malgré tout sûr que c’est bien par le mélange fortuit de sable contenant des composés de cuivre avec du natron, le tout chauffé ensemble, qu’a été inventée cette pâte vitrifiée colorée.

Reproduite et améliorée, la formule permettra aux Assyriens mais surtout aux Égyptiens, de produire une infinité d’objets, aux coloris allant du bleu vif au vert tendre.

 

Un large éventail d’objets …

Ensemble d’objets en faïence égyptienne au Musée de Grenoble

 

Pot à khôl à motif de petit singe -18è dynastie
La gamme des objets créés avec cette technique , est particulièrement étendue. Elle va de la simple amulette à la statuette, en passant par les bijoux, la vaisselle, etc … dans une déclinaison d’usages infinis autant à destination domestique que religieuse.

Une multiplicité qui s’explique par le fait que cette couleur entre bleue et vert était très prisée des égyptiens de l’époque car elle symbolisait la vie.   

Par ailleurs, dans sa tonalité la plus bleue, elle imitait le lapis lazuli, pierre rare et chère provenant d’Afghanistan.

 

Bague au motif d’œil oudjat en pâte de verre.

 

Boomerang en faïence bleue -Trésor de Toutankhamon

 

Pot à onguent – L’objet présente un large défaut de cuisson sur un coté.

et d’aspects,

La qualité de ces objets est très variable.

Certaines pièces présentent des défauts de cuisson avec une couleur mal répartie.

Des imperfections qui font ressortir la difficile maîtrise que représentait le processus de fabrication, avec les fours de l’époque.

Maintenir la cuisson en continu à haute température sur 24 à 48 heures représentait alors une véritable prouesse. Le bois étant rare dans la vallée du Nil, les artisans devaient utiliser des cannes de roseaux pour activer leurs fours.

Petit hérisson en faïence – Ashmolean Museum – Oxford
Amulette en forme de chat.
Statuette d’ouschepti, serviteur funéraire.

 

 

Produites en grand nombre, certaines pièces telles que les amulettes ou les ousheptis ne faisaient pas toujours l’objet d’une finition très poussée.

Des disparités d’aspect qui rendent d’autant plus exceptionnelle, par comparaison, la qualité des bleus les plus réussis.

pour des applications très variées

Au fil du temps, les artisans égyptiens se sont employés à repousser toujours plus loin les possibilités offertes par cette ″faïence″ d’un genre particulier.

Elle pouvait être cuite ″dans la masse″, à partir du mélange brut, avec un aspect final plus ou moins mat.

 

Ouschepti – Musée Beaux Arts Dijon
Gourde d’eau du Nil – Antikenmuseum de Bâle. Ces gourdes étaient offertes au moment du Nouvel An égyptien, époque où le Nil inondait tout le pays, l’enrichissant de son précieux limon.

Sur d’autres, plus sophistiqués, des dessins et hiéroglyphes apparaissent sur la surface. Ce qui implique une double cuisson.

Les artisans avaient en effet remarqué qu’en broyant la matière vitrifiée, on pouvait obtenir une poudre qui pouvait être réappliquée sur l’objet puis recuite, pour un ré-émaillage plus marqué.

Hippopotame avec dessins de papyrus.
Plumier pour pinceaux – Musée archéologique Nice.

Ouschebti de la tombe de Sethi Ier. – British Museum – Londres

Jeu de Senet au nom dAmenotep III, père d’Akhenaton.

 

Bijoux et autres objets précieux

Broyée, fondue, transformée en pâte de verre, cette poudre n’a pas servi qu’à émailler des objets. Associée à l’or, aux pierres précieuses et semi-précieuses, elle a permis la création d’extraordinaires bijoux et objets…

à suivre …

 

 

_______________

Documentation :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bleu_égyptien

https://www.pourlascience.fr/sd/archeologie/l-epopee-du-bleu-egyptien-7451.php

 

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pas encore de commentaires.