
Les bijoux fabuleux d’un petit roi
Les artisans égyptiens avaient découvert que la faïence bleue pouvait être broyée. Ce qui permettait des effets d’émaillage sur de nombreux objets.
Un procédé qui s’étendait à la réalisation de bijoux. La pâte de verre venait s’ajouter aux incrustations de pierres semi-précieuses comme la cornaline, la turquoise et surtout le précieux lapis-lazuli, élargissant la gamme des teintes disponibles.
La découverte du trésor de Toutankhamon a mis au jour de nombreux objets et bijoux utilisant cette technique d’émaillage. Ils démontrent le talent créatif des artisans de l’époque ainsi leur maîtrise exceptionnelle des matériaux travaillés.
Or, pâte de verre et pierres semi-précieuses se combinent sur ce petit sarcophage canope à l’effigie de Toutankhamon – Musée du Caire.
Un artisanat raffiné
Leur inventivité leur a permis de multiplier les possibilités qu’offrait ce matériau si particulier. Certaines de leurs créations démontrent leur talent pour l’associer de manière très diverse.
Un bleu à la mode grecque
Sous les Ptolémées, qui furent les derniers souverains du pays, l’art égyptien a connu d’importants bouleversements.
De culture grecque-macédonienne, ils ont rassemblé autour d’eux une élite dont les standards iconographiques s’écartaient de ceux qui avaient eu cours dans les siècles précédents.
Un changement artistique qui se reflète dans l’artisanat de l’époque avec la production d’objets d’un style très diffèrent de celui de l’Égypte traditionnelle et où se rencontrent les influences grecques et orientales.
Une évolution stylistique à laquelle la céramique bleue n’a pas échappé.
Comparaison entre une figure féminine votive datant du Moyen Empire (entre 1 580 et 1 085 avant J.-C – Musée du Louvre) et une statuette de Vénus de l’époque ptolémaïque (entre 332 et 30 avant J.-C – Musée Gulbenkian – Lisbonne)


Une poudre magique
Non contents des nombreuses possibilités déjà offertes par la pâte de verre, les artisans avaient également constaté qu’en variant la composition et la cuisson du mélange de base, on pouvait agir sur la couleur du produit d’arrivée.
Mais ils remarquèrent également que la tonalité obtenue pouvait encore être modifiée selon la manière dont la matière vitreuse était ensuite broyée. Avec, à la clé, la création de pigments dans des tonalités encore plus larges.
Un ″bleu magique″ dont sont issus les motifs peints que l’on peux encore admirer de nos jours sur des sarcophages, divers objets ou de larges décors muraux.

Si les peintures des palais ne sont plus là pour en témoigner, celles encore présentes sur les murs des tombes et de certains monuments attestent de la qualité de ce pigment particulier et de son exceptionnelle longévité.
Une couleur qui s’exporte loin
Commercialisé sous forme de morceaux plus ou moins gros, il pouvait ensuite être broyé selon l’usage désiré. Les ruines de Pompéi ont livré certains de ces fragments, parfois déjà réduits en poudre dans des godets, prêts pour la réalisation de grands décors peints.
Divers monuments et tombes attestent de l’emploi du bleu égyptien par les peuples de l’Antiquité.
Ci dessus de gauche à droite : Le joueur de flute – détail d’une fresque étrusque, dans la nécropole de Monterozzi, Italie, début du 5e siècle av. J.-C – La déesse Flora – villa Ariana, à Stabiae, près de Naples, 1er siècle ap. JC.
Les Romains finirent par mettre eux-même en route une production de pigment bleu, à proximité de Naples, plus précisément dans la région des Champs Phlégréens. D’une qualité moindre mais d’un coût plus accessible, ces ateliers démontrent l’importance qu’avait le commerce de ce pigment dans le monde antique.

La disparition
A coté du bleu d’origine romaine, le plus gros de la production provenait essentiellement d’Égypte. Un quasi monopole que les bouleversements de l’Histoire vont mettre en difficulté.
Le déclin de la civilisation romaine entraîne une importante régression technologique. Les structures de la société occidentale se modifient avec l’émergence du système féodal. Les centres de pouvoir s’éloignent des rives de la Méditerranée en déplaçant les routes commerciales.
L’expansion musulmane et l’irruption de la piraterie en mer Méditerranée vont intensifier ces bouleversements, sonnant peu à peu le glas de l’exportation du bleu égyptien.
Aux mains d’un nombre sans doute volontairement restreint d’artisans, seuls capables de maîtriser le processus, la recette de la faïence égyptienne et de ses nombreuses applications va sombrer peu à peu dans l’oubli.
Le Graal des céramistes
Pendant des siècles, les céramistes vont tenter de percer les secrets de ce bleu mythique, sans y parvenir vraiment. Transformant cette recherche en une sorte de Graal.
Il faudra attendre le 19è siècle et les progrès permis par les fours modernes au charbon, et surtout au gaz, pour qu’un inventeur génial en retrouve la recette.
A suivre …
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Documentation :
- Restaurations et présentations des peintures murales d’Herculanum et de Pompéi au musée du Louvre – Delphine Burlot – Histoire de l’art Année 2011
- Laetitia Cavassa – La production du bleu égyptien durant l’époque hellénistique et l’Empire romain
(IIIe av. J.-C.-Ier s. apr. J.-C.). Bulletin de correspondance hellénique-supplément, 2018, Les arts de la couleur en Grèce ancienne et ailleurs. - Les débuts de la piraterie andalouse en Méditerranée occidentale (798-813) – Pierre Guichard – Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée – Année 1983
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Bleu_égyptien
https://www.pourlascience.fr/sd/archeologie/l-epopee-du-bleu-egyptien-7451.php
https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1996_num_84_311_4824
https://www.nature.com/articles/s41598-021-90759-6
https://books.openedition.org/efa/8417
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