
Un changement de style
A la fin du 17è siècle, le costume masculin se modifie. Le long justaucorps s’ouvre plus largement et prend peu à peu une forme incurvée. En dessous, la veste sans manches qui est venue remplacer le pourpoint, évolue en un gilet raccourci.
Son principe est celui d’une partie rabattable, de format plus ou moins large, placée sur l’avant de la culotte.
De l’utilitaire à l’ostentatoire …
Bien avant la forme ″à pont″, la braguette a connu des évolutions très diverses.
On peut en situer les prémices à la fin du Moyen Âge où le raccourcissement substantiel du costume masculin a profondément modifié les différentes pièces du vêtement. Pour habiller le bas du corps, les chausses, jusqu’alors conçues comme une paire distincte, se voient réagencées en une pièce unique.

Fermée sur les fesses, cette version nouvelle conserve une ouverture sur l’avant. Elle est munie d’un petit élément textile pour la masquer.
Placé dans l’entre-jambe, cet élément est retenu par des lacets nommés ″aiguillettes”
On ne peut que s’interroger sur un dispositif destiné, à priori, à préserver la décence mais qui, à l’arrivée, attirait l’attention sur ce qu’il était sensé cacher.
… jusqu’à l’excès !
Avec le 16è siècle, cet élément un peu particulier connaît une évolution encore plus marquée avec l’extravagante mode des braguettes ″en coquille″.
Les portraits de l’époque nous en livrent des représentations étonnantes, les messieurs les sérieux se faisant représenter munis ″d’accessoires″ surdimensionnés dont l’usage pouvait d’ailleurs être des plus variés puisque l’on pouvait y placer divers objets, mouchoir, menue monnaie, etc …
Leur dimensionnement devint si outrancier qu’il fallut, en 1563, une ordonnance royale pour en réglementer la taille ! Non pas par pudeur d’ailleurs mais pour des raisons de sécurité, afin d’éviter que l’on puisse y cacher subreptissement un petit poignard !
(L’époque était volontiers assassine !)
La braguette repris par la suite une allure plus discrète, adoptant la forme d’une simple ouverture verticale, plus ou moins dissimulée dans les plis des chausses.
Tous sur le pont !
Difficile d’expliquer pourquoi, dans les débuts du 18è siècle, le costume masculin se mit à adopter le principe de l’ouverture ″à pont″, empruntée au pantalon des marins, catégorie très minoritaire de la société. Un emprunt qui, en quelques décennies, se généralisa à l’ensemble des autres costumes masculins européens.
Une configuration certainement utile aux marins se laissant glisser au long des cordages mais dont l’intérêt n’apparaît pas aussi pertinent dans le quotidien des autres membres de la population masculine.
L’histoire du costume est émaillé de ces évolutions surprenantes !
L’hypothèse d’un choix esthétique n’est pas à minimiser.
A cette époque, le raccourcissement du gilet et la forme rejetée en arrière de la veste, ont rendu les culottes masculines très visibles.
Avec des ouvertures déportées, le système à pont permettait de leur donner un aspect plus plat sur le devant. Un concept sans doute jugé plus discret et plus seyant, en harmonie avec les critères d’élégance de l’époque.
De la culotte au pantalon
L’irruption du pantalon n’a pas, dans un premier temps, modifié la conception du système à pont.
D’autant qu’elle s’accordait bien avec la mode en vigueur dans la première moitié du 19è siècle, avec des vestes et gilets courts, portés sur des pantalons remontant haut sur le ventre.
Avec le costume traditionnel
Il en va de même en Alsace où une abondante iconographie témoigne de l’implantation de cette mode, la forme ″grand pont″ étant celle que l’on peut observer le plus souvent.

Un grand pont qui, comme pour le costume urbain, se transpose ensuite au pantalon.
Une persistance qui s’explique par la réticence naturelle des milieux ruraux, contrairement à ceux des milieux citadins, à s’adapter aux changements de modes.
Une juxtaposition des styles qui a pu permettre la conservation d’un ajustement particulier, pour lequel les messieurs de l’époque semblent avoir eu une visible préférence.
Deux exemples d’alsaciens autour de 1874, l’un fidèle au style de l’Ancien Régime avec culotte à la française, l’autre ayant adopté la mode nouvelle du pantalon (toujours à pont) remontant haut, en accompagnement d’un gilet plus court – Images de la BNU de Strasbourg – NIM23815 et NIM23822.
Dans les campagnes alsaciennes, la culotte à la française puis le pantalon à pont, accompagnés de la longue redingote, ont longtemps constitué la base du costume traditionnel masculin. Ils ont ainsi façonnés sa silhouette jusqu’à l’orée du 20è siècle.
Illustration d’entrée : ″L’exil″ (détail) de F. Schützenberger – Musée Beaux Arts Mulhouse.
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Documentation:
- Le costume Français – Ouvrage collectif – Éditions Flammarion – Paris. 1990.1996
- Histoire du Costume (en Occident de l’Antiquité à nos jours) – François BOUCHER – Éditions Flammarion 1965-1983-1991
- Le Costume Paysan de Uhrwiller – Jean-Marc Schlagdenhauffen – Préface de Georges KLEIN – Uhrwiller 1992
- ″L’Alsace traditionaliste″ – Paul Kauffmann 1931
- Folklore et tradition en Alsace – Ouvrage collectif – Éditions SAEP Colmar-Ingersheim 1973
- Costumes et coutumes d’Alsace – A. Laugel et Ch. Spindler – Éditions Alsatia 1975
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_(vêtement)
https://cncs.webmuseo.com/ws/cncs-collections/app/site/costume-XVIIe-siecle
https://lecostume.canalblog.com/archives/2014/05/25/29945975.html
https://www.curieuseshistoires.net/petite-histoire-de-braguette/
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